La ligne 4
Textes présentés par Henri Cabisti
A la manière de Jacques Réda qui suit poétiquement le trajet de l'autobus de la ligne 323, d'Ivry à Issy les Moulineaux, dans la banlieue sud de Paris, nous allons emprunter la ligne 4 qui suit la route côtière D 911 par l'autocar menant d'Avranches à Granville par la côte
Partant d'Avranches, nous traverserons successivement : Pont Gilbert rattaché à Marcey-les-grèves, puis Vains ; on écorne Bacilly au Fougeray, et on traverse Genets, Poursuivant la D911, on arrive à Dragey, puis Saint Jean-le-Thomas ; on monte sur la falaise pour arriver à Champeaux, puis Carolles que l'on traverse, et on descend vers Jullouville; en franchissant le Thar, on arrive à Kairon, puis Saint Pair sur mer. A peine sorti, on est à Saint Nicolas, et finalement on arrive à Granville, soit quatorze étapes. Chacune de ces communes sera représentée par un texte en prose ou en vers. A la manière de Jacques Réda.
Comptine sur la ligne 4
Quand à Avranches, on s'endimanche,
A Pont Gilbert, on boit un verre,
Arrive à Vains, vêtu en prince,
A Bacilly, un peu vieilli.
Et à Genets, enrubanné.
Puis à Dragey, tout gentillet.
Voila Saint Jean, très accueillant
Et puis Champeaux, perché en haut.
C'est à Carolles, qu'on fait les folles,
A Jullouville, on s'fait pas d'bile.
Et à Kairon, coup de clairon,
Puis à Saint Pair, on fait affaire
Saint Nicolas, encor trois pas,
Et c'est Granville, on s'arrêt' pile.
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AVRANCHES
Vue de loin, les silhouettes de plusieurs clochers se détachent dans le ciel.
Partout dans la ville, une odeur poussiéreuse de soutane, mêlée à un frais parfum de cornette amidonnée flotte dans les rues.
Une basilique, des églises, des chapelles, des couvents, autrefois une cathédrale dont on entretient le souvenir, un évêché, un petit séminaire, un orphelinat, et des écoles privées confessionnelles,...
Et ce lien entre la cité épiscopale et l'abbaye du Mont Saint Michel qui n'a jamais été rompu : C'est dans le trésor de la basilique Saint Gervais que l'on peut voir encore aujourd'hui le crâne de Saint Aubert marqué du doigt de l'Archange lui ordonnant de construire le sanctuaire qui lui est dédié,
Et c'est dans le fonds ancien de la bibliothèque que sont entreposés les fameux manuscrits médiévaux écrits par les moines bénédictins de l'abbaye.
Et nombreux sont les saints évêques qui, dès le haut Moyen-âge, ont dirigé le diocèse : Saint Léonce, Saint Sever, Saint Pair, Saint Senier, Saint Léonard, Saint Fragaire, Saint Aubert. Leur nom est gravé en lettres d'or sur une plaque de marbre à l'entrée de la basilique.
Et le spectre du bienheureux Saint Thomas Beckett, archevêque de Cantorbery, hante toujours la place où s'élevait la belle Andrine, disparue peu après la révolution,
Ainsi, tout y est pour faire d'Avranches un modèle de la dévotion catholique,
Et cette longue tradition s'est perpétuée jusqu'à maintenant.
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Marcey les grèves
Un quartier de Marcey, voici le "Pont Gilbert",
Dernier pont sur la Sée, tout au fond de l'aber.
Debout sur le trottoir, un groupe de badauds
Tous penchés vers l'aval, surveillent le cours de l'eau.
Peut-être des pêcheurs ? Qu'attendent-ils ainsi ?
Soudain l'un d'eux s'agite en criant : "Les voici"
C'est une vaguelette, remontant vers l'amont,
Qu'on nomme "mascaret", en direction du pont.
Et poussés par le flot, sans faire aucun mouvement,
Trois jeunes kayakistes s'avancent lentement.
Quand ils passent sous le pont, les badauds les saluent
Et très rapidement, ils traversent la rue
Pour les voir reparaître du côté opposé.
Et puis toujours poussés par la grande marée,
Ils s'éloignent, disparaissent, dès le premier méandre.
Le groupe de quidams se sépare sans attendre.
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VAINS
Que serait donc Vains sans son hameau de Saint Léonard ? Une commune sans grand intérêt, que l'on traverserait sans s'arrêter. Mais si on prend le temps de s'écarter de la route côtière de quelques kilomètres on atteint le bourg de Saint Léonard : Le clairvoyant duc de Normandie Guillaume, ne s'était pas trompé en y installant un prieuré dès le XIème siècle. Un véritable joyau qui domine la baie du Mont Saint Michel.
Du jardin du prieuré, en haut du village, on découvre au loin Tombelaine, qui apparaît sous une forme triangulaire, et vers la gauche, le Mont Saint Michel dont la silhouette est si caractéristique.
La premier pèlerinage auquel j'ai participé, en juin 1967, partait d'Avranches en début de soirée, descendait jusqu'à la gare, traversait la Sée sur la passerelle, et de là, on gagnait Saint Léonard en suivant le bord de la rivière. Le pique-nique, était prévu à la Chaussée, et là un guide, Mr Jugan, pêcheur à pied dans la baie, nous rejoignait pour nous mener jusqu'au Mont Saint Michel à travers la grève. C'était il y a maintenant cinquante ans, et j'en ai gardé un vif souvenir.
Face à la baie, sur notre gauche, on peut suivre un chemin qui mène au Grouin du Sud. C'est un piton rocheux de schiste qui s'avance dans la baie. La Sée passe tout au pied avant de s'éloigner pour se jeter dans la mer. De là, on découvre la baie qui s'étend sur des kilomètres. A marée basse, la mer est si loin qu'on ne la voit pas, on ne la devine même pas. Mais quelques heures plus tard, elle recouvrira tout cet espace. Parfois des pêcheurs au carrelet descendent leur filet à marée haute pour attraper les poissons qui remontent en suivant le courant.
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Bacilly
Au lieu-dit, le Fougeray, on écorne Bacilly…
Ne vous attardez pas à chercher les fougères
Depuis longtemps déjà, elles ont été coupées
Car c'est ici que le petit train de naguère
Faisait une courte halte avant de s'échapper.
C'est ici que passaient, venant de Villedieu,
Les groupes de pèlerins en direction du Mont
Agitant des bannières à l'effigie de Dieu
Et chantant des cantiques, éloignant le démon.
Arrivés par ici, ils sentaient l'air marin
Plus que trois kilomètres, avant de voir la mer
Et surtout la merveille noyée dans les embruns,
S'agenouillaient alors, priant la bonne Mère.
Certains avaient pensé en route s'arrêter
Fourbus et harassés d'avoir longtemps marché,
Soutenus par la foi, ils avaient continué,
Maintenant les voilà, au but presque arrivés.
Venant de Caen, de Vire, ou de plus loin encore
Le Fougeray pour eux c'est passage obligé
La porte vers la baie, en route vers le Grand Port
Où ils découvriront le pays de Genets.
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Genets
En arrivant à Genets, il ne pleut pas, mais un bruit de ruissellement perce le silence. C'est la roue du moulin, entraînée par le Lerre, qui tourne inlassablement. La rue principale était bordée de boutiques, notamment destinées aux pèlerins, et maintenant transformées en habitations.
Quelques promeneurs muets accoudés sur le parapet du pont observent l'eau qui remonte le courant de la rivière. Ils s'interrogent … Ici, l'espace répandu éclate en une myriade de morceaux de terre ou de tangue, d'herbe ou d'eau, de vent ou de nuages. Un rêve d'eaux libres qui folâtrent en s'évasant pour former un large fleuve rejoignant la mer, bien loin d'ici…
Un convoi de nuages lourds et lents, poussés par le vent, s'approche pour former un ciel gris chargé de pluie qui, crevé par la pointe d'un clocher, se délite en milliers de gouttes qui clapotent dans les flaques.
Genets, un port ? Autrefois sans doute, mais aujourd'hui, la grève s'est ensablée, et l'herbe la recouvre en formant une vaste prairie où paissent vaches et moutons. La mer est si loin qu'on ne la voit pas, qu'on ne l'entend pas… Cependant, des touffes d'obione, de soude et de salicorne nous rappellent que de temps en temps, lors des grandes marées, la mer s'approche jusqu'à lécher les piles du pont …
Genets, c'est un village ramassé autour d'une église massive, entourée de son cimetière, et quelques ruelles étroites, toujours tranquille et qui s'anime certains jours de l'année, les jours de pèlerinage quand des groupes de pèlerins, tels des moutons de Panurge, se rassemblent autour du guide qui les mènera au Mont Saint Michel en entonnant des cantiques, mais aussi les jours de grande marée, quand les curieux s'amoncellent près du pont pour voir la mer recouvrir les parkings…
Genets, nostalgique de son passé portuaire, en a gardé la mémoire.
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Dragey
Dragey, ici, c'est le cheval !
Plus de chevaux que d'habitants
Dans ce village hors du temps.
Le grand centre équin, sans rival,
Accueille toujours les galopeurs.
Vue sur la baie à l'horizon,
Et cela en toute saison,
A l'abri des chevaux-vapeurs.
Attirés par cette industrie
Lads et jockeys, palefreniers
Et leur famille sont installés ;
Avec toute une fratrie.
Ainsi dans la rue des écoles,
Fusent parfois les rires d'enfants,
Qui, en récréation, courent en criant,
Comme des machines agricoles.
L'église saint Marc, très loin du bourg
Tout en hauteur, servait d'amer
Pour les pêcheurs, les pèlerins,
Qui voyaient sa très haute tour.
Quittant le bourg, en descendant,
C'est le fameux Manoir Potrel,
Du XVème siècle, et ses tourelles,
Qui vous accueille nonchalamment.
Plus bas encore, voici la plage.
La dune a encor reculé
Lors de la dernière marée
Quand la tempête faisait rage.
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Saint Jean le Thomas
De l'estran
Dites-moi d'où vient toute l'eau
Qui recouvre la plage,
Les rochers et les pâturages,
Cancale ou Saint Malo ?
Sachez qu'elle vient de partout
Peut-être de très loin,
De l'Angleterre, du Cotentin,
Afin de couvrir tout.
A Saint Jean, elle arrive enfin
Après un long voyage.
Parfois elle écume de rage
Projetant des embruns.
Elle bat les enrochements,
Elle érode la dune,
Avec le trident de Neptune
Qui frappe bruyamment.
A grand fracas, assourdissant,
Les vagues nous amènent
Mille senteurs iodées lointaines
Par les flots rugissants.
Toute cette eau s'éloignera
A marée descendante,
Bientôt, cette faune grouillante
Elle l'emportera.
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Champeaux
Champeaux, village hors du temps,
Village qui, lentement, mais sûrement
S'enfonce dans la décrépitude ;
Champeaux où les rues crottées
Sont bordées de talus couverts d'orties,
Où les bas-côtés creusées d'ornières boueuses
Tiennent lieu de trottoirs ;
Village où vous êtes accueilli par des chiens qui aboient,
Et par des commères qui soulèvent le rideau pour vous observer
Avant d'aller colporter partout des rumeurs malfaisantes.
Champeaux dont le clocher rudimentaire témoigne de l'indigence,
Ou plus sûrement de l'avarice de ses paroissiens.
Village éclaté en multiples hameaux,
Peuplés de vieillards séniles
Qui bientôt reposeront dans le cimetière entourant l'église.
Mais pour les touristes de passage,
Champeaux, c'est le plus beau kilomètre de France !
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Carolles
Carolles à gardé ce charme suranné des stations balnéaires de la fin du XIXème siècle, époque où les bourgeois fortunés s'étaient entichés de la pratique des bains de mer. Alors, ils avaient édifié de somptueuses villas entourées de grands parcs arborés, à l'abri des regards des curieux.
A l'époque de sa splendeur, Carolles accueillait des artistes peintres renommés, attirés par les paysages marins. De cette période, il reste aujourd'hui en souvenir le site dit "de la vallée des peintres", et le nom de Marin Marie, donné à l'école primaire.
Mais voilà, le Front Populaire a institué les congés payés, et des hordes de touristes sont venus troubler leur quiétude. Un terrain de camping et de modestes gîtes se sont développés pour les accueillir. Ainsi, Carolles a évolué vers un tourisme plus populaire, statut que le village a gardé jusqu'à aujourd'hui.
Néanmoins, il conserve le souvenir de son éclat passé : Bien cachées par des bosquets, accessibles par de petites allées, les anciennes villas sont devenues les résidences secondaires des descendants des premiers occupants, fermées pendant plus de dix mois par an ; d'autres ont changé de propriétaire et parfois même sont occupées toute l'année en résidence principale.
Malgré l'accroissement de la population permanente, le commerce du centre-ville a régressé : plusieurs boutiques - boulangerie, boucherie, bazar, hôtel, … - et même le bureau de poste ont fermé leurs portes … Et durant une grande partie de l'année, Carolles est un village un peu tristounet, qui s'anime pendant les vacances scolaires avec l'arrivée des résidents secondaires, et surtout durant les deux mois d'été, avec un afflux de touristes, attirés par la mer.
Carolles, c'est cela, une modeste station balnéaire un peu désuète qui se repose sur son passé prestigieux.
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Jullouville
Trop de maisons fermées, trop de volets baissés !
Je marche dans les rues sans rencontrer personne
Habitants envolés, ville abandonnée,
Dans un désert urbain où seul mon pas résonne.
Pas une âme qui vive sur cette immense plage ;
Seulement tout au loin, un quidam vers Kairon
Qui brave la tempête et le vent qui fait rage
Qui soulève le sable, faisant des tourbillons.
Et de l'autre côté, la falaise de Carolles
Par un brouillard diffus, a presque été gommée.
Un vol de cormoran décrit une parabole
Et rase la surface juste avant de plonger.
Pour la méditation, tout semble réuni :
Un calme romantique où seuls les éléments
Enveloppent mon corps ; mon âme est envahie
Par des idées très sombres venant spontanément.
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Kairon
Comment l'écrire ? Avec un K, à la mode de Bretagne, ou Quéron, avec un Q, plus ancien, et plus normand ? J'ai choisi la première orthographe.
On entre à Kairon, au Pont Bleu qui enjambe le Thar, un petit fleuve côtier de presque vingt-cinq kilomètres, qui prend sa source dans le bocage, irrigue la Haye-Pesnel, frôle l'abbaye de La Lucerne, traverse Saint Pierre-Langers, avant d'alimenter la mare de Bouillon et atteindre Jullouville. Plus que deux grands pas pour arriver à la mer, et finir son cours…
Eh bien, non ! Juste après le pont bleu, la rivière bifurque brutalement vers la droite et folâtre en longeant la côte sans jamais s'en approcher davantage, à travers la dune bâtie de nombreuses résidences presque toujours fermées, puis débouche après deux kilomètres de cours, pour finalement, sans regrets, se jeter dans la mer par un large estuaire. Ici, à marée basse, une grande étendue de sable déserte est utilisée par les cerf-volistes qui viennent s'essayer à faire des figures ; on y pratique aussi le char à voile et l'entraînement des trotteurs, en toute saison. Un peu plus loin, on entre à Saint Pair.
A Kairon-Plage, on est loin du centre du bourg marqué par l'église située tout en haut du village : Toute l'activité s'est aujourd'hui déplacée dans cette étroite bande côtière, surtout pendant la période estivale en raison du tourisme balnéaire.
Mais en hiver, Kairon est bien triste ! La plupart des commerces saisonniers et les résidences du front de mer sont fermés ; on ne rencontre que les quelques résidents permanents qui se sont installés là pour leur retraite, et des promeneurs qui arpentent l'esplanade pour profiter du grand air.
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Saint Pair sur mer
Vous entrez dans l'église de Saint Pair,
Et un vent de sainteté vous enveloppe de partout.
Car c'est là, tout près de vous, que repose
Le bienheureux Saint Gaud !
Il se serait retiré ici,
Où il aurait vécu en ermite,
Avant de mourir à l'époque de Clovis !
Tout près de là,
On peut visiter l'oratoire qui lui est dédié,
Bâti à l'emplacement de sa cellule,
Où il aurait d'abord été inhumé.
On ne compte plus les miracles
Qui lui furent attribués !
Ne dit-on pas encore aujourd'hui :
"Le bienheureux saint Gaud guérit de tous les maux."
Mais dans cette église, d'autres saints sont là,
Tout près de vous : Saint Paterne, alias saint Pair, évêque d'Avranches,
Et Saint Scubilion, abbé de Mandane.
La légende raconte qu'un jour où l'eau leur manquait,
Paterne et Scubilion prièrent le Christ de leur accorder une source d'eau vive.
Alors Paterne toucha le sol de son bâton
Et aussitôt une source jaillit des profondeurs de la Terre.
C'est la fontaine Saint Gaud, dont l'eau miraculeuse vous guérira. Peut-être ?
Dans l'église encore, le gisant Saint Aroaste, auxiliaire de Saint Pair,
Celui de Saint Senier, évêque d'Avranches,
Tous anachorètes qui s'étaient retirés là
Dans le "désert de Scissy".
Voila sans doute pourquoi, quinze siècles plus tard,
Ce vent de sainteté vous pénètre de toutes parts.
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Saint Nicolas
On traverse la Saigue, voici Saint Nicolas.
Une petite allée mène à une pauvre plage
De sable grossier. Pas de jolies villas,
Ici, la mer dépose seulement des coquillages.
Mais encore aujourd'hui, la pêche est interdite
Pour cause de pollution à la cale d'Hacqueville :
Taux élevé de bacilles, ou bien trop de nitrites
Et puis pour vous baigner, rendez vous à Granville.
Parfois des randonneurs, sur le sentier côtier
A travers les broussailles découvrent une façade,
Une très vaste terrasse, de grandes baies vitrées
Et un large escalier descendant en cascade.
Bâti sur le rocher, et dominant la plage
Le château de la Crête nargue les estivants,
Entouré d'un grand parc comme sur une image,
Il se dresse debout, et toujours face au vent.
La falaise de schiste qui plonge dans la mer
S'érode lentement. Combien de millénaires
Faudra-t'il bien attendre pour que cet édifice
Bascule au fond de l'eau, et ainsi que finisse
Le souvenir des fastes qui s'y sont déroulés ?
Peut-être que demain, une forte tempête
Ebranlera ses bases, et les murs écroulés
Serviront de décor pour une nouvelle fête.
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Terminus Granville
Granville, pour moi c'est le port plus que la plage ; un port, c'est une mine de souvenirs d'enfance et de jeunesse, du temps où j'allais à Dieppe flâner sur les quais. Un port, c'est pour moi la nostalgie d'un passé lointain, et le port de Granville me rappelle tous ces souvenirs, vieux de plus de soixante ans.
La mer est haute, et la porte est ouverte : les chalutiers vont pouvoir quitter le port. On largue les amarres et un bateau commence la manœuvre pour tourner pour se placer en direction de la sortie. Un coup de sirène et il quitte le quai. Les autres vont suivre, alors je décide de gagner la jetée pour assister à ce départ.
Je marche au bord sur le quai : des goélands argentés se battent en criant pour les restes de poisson abandonné à côté de la criée. Je contourne le radoub et le chantier des bateaux en réfection , puis j'emprunte la voie de la longue jetée qui avance dans la mer. Alors je pense à tous ces marins, à tous ces capitaines _ pardon pour Victor Hugo _ qui partaient pour la grande pêche à Terre Neuve, à bord des goélettes et que les femmes venaient saluer parfois pour les voir une dernière fois, car elles le savaient : certains ne reviendraient pas ! Ils seraient emportés par une vague et précipités dans l'eau glacée et seraient noyés. Chaque année ou presque un bateau était perdu corps et biens, fracassé contre les rochers par la tempête ou perdus dans le brouillard et percutant un iceberg. La Marité, seule goélette du port est maintenant un bateau de plaisance ! Rien à voir avec la dure vie à bord de ces marins qui partaient pour six mois pêcher la morue.
Les goélands qui volent au-dessus de moi en criant semblent m'appeler, me demander de les suivre, pendant que les bateaux quittent un à un le quai où ils étaient amarrés et se dirigent vers le large. J'arrive au bout de la jetée près du phare pour les voir passer. A l'opposé, du côté de la gare maritime, le bateau pour Chausey, la Jolie France, s'apprête aussi à partir. Un dernier coup de sirène avant de relever la passerelle pour appeler les retardataires… Elle a maintenant été levée, les amarres sont larguées et le bateau sort du port.
Un port, c'est toujours animé : au mouvement des bateaux, s'ajoute celui de tous les services qui leur sont liés : l'approvisionnement en vivres et en carburant, la douane à la recherche des trafiquants de toutes sortes : surtout les cigarettes et la drogue ; et puis le commerce du poisson et des coquillages ; ici, c'est le bulot et la coquille saint Jacques, la margate, nom local de la seiche, et les araignées de mer, en fonction de la saison. Et dans la rue du port, tous les restaurants qui proposent des menus de poisson, des moules-frites, aux touristes de passage ; et tous les magasins d'accastillage, la coopérative maritime qui travaillent surtout avec la navigation de plaisance ; et les magasins de vêtement de marin qui vous habillent des pieds à la tête.
Granville grouille d'activité, et ceci en toute saison, même si la période estivale est encore plus animée.